Affaire hors-norme de blanchiment de l'argent du cannabis marocain jugée à Paris







Les millions d’euros en espèces du trafic de cannabis étaient recyclés avec les comptes de fraudeurs fiscaux français: quarante personnes comparaissent à partir de lundi à Paris dans le dossier “Virus”, une affaire de blanchiment à grande échelle de l’argent de la drogue.
Trafiquants, blanchisseurs et “cols blancs” peu scrupuleux en quête de liquidités: âgés de 29 à 80 ans, les prévenus sont soupçonnés d’avoir pris part, à des degrés divers, à ce vaste réseau franco-suisse de blanchiment, dont le démantèlement à l’automne 2012 avait fait grand bruit.
Tout avait commencé avec une enquête classique sur un réseau implanté en région parisienne, accusé d’avoir importé en France plusieurs centaines de kilos voire des tonnes de résine de cannabis depuis le Maroc, via l’Espagne. L’organisateur présumé de ce trafic, Rachid Mimoun, un Franco-Algérien de 45 ans, comparaît détenu.
Parallèlement aux investigations sur ce trafic, à l’aide de la surveillance d’une centaine de lignes téléphoniques, les enquêteurs avaient remonté la trace des espèces et réussi à mettre au jour un système “complexe”, mais parfaitement rodé, de blanchiment d’argent de la drogue, transitant par des sociétés-écrans et les comptes bancaires de fraudeurs fiscaux.
Plusieurs réseaux de blanchisseurs étaient identifiés: une filière s’appuyant sur des commerçants chinois parisiens, vendeurs de textile en gros, et une “officine suisse” spécialisée dans la fraude fiscale.
L’enquête “Virus” s’est particulièrement intéressée à cette dernière et à la fratrie El Maleh, dont cinq des sept membres sont jugés devant le tribunal.
L’un des frères, Meyer El Maleh, gérant d’une société de gestion de patrimoine comptant pour clients de riches évadés fiscaux français et “professionnel de l’ingénierie financière”, est soupçonné d’avoir monté ce vaste système.
Quand ses clients souhaitaient rapatrier discrètement en France leur argent de leurs comptes dissimulés en Suisse, il faisait appel à son grand frère Mardoché, qui leur remettait en main propre des enveloppes contentant des espèces préalablement collectées auprès des trafiquants-revendeurs en France sous la coordination d’un “courtier occulte” – un “saraf” dans le jargon – Simon Perez, un proche de la famille.
Le benjamin de la fratrie, Nessim El Maleh, employé chez HSBC à Genève, était, lui, chargé de débiter les comptes du même montant et de reventiler l’argent, via des sociétés-écrans basées à Londres, vers les trafiquants de drogue marocains.
Dix-sept fraudeurs fiscaux identifiés lors des investigations ont fait l’objet en novembre 2017 d’une procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, un plaider-coupable à la française, dont l’ancienne élue écologiste Florence Lamblin. Plusieurs autres sont renvoyés devant le tribunal.
Un troisième réseau de blanchisseurs, soupçonné d’avoir convoyé vers Dubaï ou converti en or, en Belgique, jusqu’à 2014, des dizaines de millions d’euros issus de la vente du cannabis, a fait l’objet d’un dossier distinct, baptisé “Rétrovirus”. Dans cette autre procédure, vingt-six personnes avaient été condamnées en juin 2017 à Paris à des peines allant de 50.000 euros d’amende à dix ans de prison et huit millions d’euros d’amende.
La majorité des personnes impliquées dans l’affaire “Virus” et ses opérations de blanchiment ont affirmé qu’elles ignoraient l’origine frauduleuse des fonds.
Le procès est prévu jusqu’au 12 octobre.
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