Paris négociera si des djihadistes français sont condamnés à mort







Dans l’hypothèse où un ressortissant français était condamné à mort en Syrie ou en Irak, «l’État français interviendrait, en négociant avec l’État en question (…) au cas par cas», a déclaré la Garde des sceaux dimanche.

C’est une question qui fait débat depuis plusieurs mois. Que faire des Français partis en Syrie et en Irak pour rejoindre un groupe terroriste et qui sont aujourd’hui enfermés là-bas? Doivent-ils être rapatriés ou jugés sur place? Et surtout, que faire si ces derniers sont condamnés à mort? Pour la première fois, la ministre de la Justice a répondu à cette question dimanche: oui, la France réagirait si un ou des djihadistes français étaient condamnés à mort en Irak ou en Syrie, a dit Nicole Belloubet lors du «Grand Jury» RTL-LCI-Le Figaro. «L’État français interviendrait, en négociant avec l’État en question, et encore une fois ce serait un traitement au cas par cas», a précisé la Garde des sceaux.
La question est d’autant plus importante que les condamnations ont commencé à être prononcées en Irak. Le 21 janvier dernier, la Cour pénale de Bagdad a condamné une ressortissante allemande d’origine marocaine à la peine capitale par pendaison pour appartenance au groupe État islamique (EI). Une Française est actuellement en attente de jugement en Irak.

Des différences selon les pays
En novembre 2017, le président de la République, Emmanuel Macron, et le ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, énonçaient la position de la France: les combattants français devaient être jugés en Irak, État souverain dont l’autorité judiciaire est reconnue par la France. Quant aux femmes et aux enfants, l’exécutif affirmait que les situations seraient évaluées «au cas par cas». Puis, le discours s’est fait un peu plus précis. Courant janvier, la garde des Sceaux a émis l’idée d’un retour possible des femmes parties faire le djihad. «Si les règles du procès équitable ne sont pas respectées sur place, nous avons des conventions internationales sur lesquelles nous sommes très sourcilleux et donc nous les prendrons en charge en France», disait-elle.
La situation est toutefois différente d’un pays à l’autre. «Avec la Turquie, nous avons des accords qui sont clairs et qui nous permettent de faire revenir les personnes, avec l’Irak, c’est un État qui est reconnu comme tel et donc bien entendu les Français qui sont là-bas peuvent être jugés par l’État irakien», a expliqué la Garde des sceaux ce dimanche. «La Syrie, c’est un peu plus compliqué puisque l’État n’est pas reconnu en tant que tel, et bien entendu c’est un traitement au cas par cas qui doit être effectué», a-t-elle déclaré, réitérant une position qui ne parvient pas à masquer l’embarras de l’exécutif français.

Le traitement des djihadistes présumés français en Irak et en Syrie est un sujet épineux, qui est loin de faire l’unanimité au sein du gouvernement. En témoignent les propos de la ministre des Armées Florence Parly, qui avait suscité la polémique en octobre en avalisant implicitement l’élimination des djihadistes français en Irak et en Syrie. Lundi, elle a maintenu ce discours, ajoutant qu’elle n’avait pas d’«états d’âme» concernant les djihadistes français.
Questionnée ce dimanche sur les propos de sa collègue, la Garde des sceaux pense qu’il «n’y a pas de différence d’analyse» entre elles. «Je pense que c’est important que le gouvernement ait une politique là-dessus qui soit claire et portée par tous», a dit la garde des Sceaux. «Je redis comme ma collègue Parly que c’est volontairement que ces gens sont allés combattre aux côtés de Daech et donc ils assument une responsabilité et un choix», a-t-elle justifié. «Mais en tant que ministre de la Justice, je ne peux dire autre chose que mon attachement aux règles du procès équitable», a-t-elle nuancé.
676 Français sur zone irako-syrienne
«Aujourd’hui, la guerre touche à sa fin, mais nous sommes toujours dans ce flou total au niveau institutionnel à propos de ces gens partis faire le djihad», commentait il y a peu un spécialiste de la zone irako-syrienne auprès du Figaro. «La France donne l’impression de ne pas vouloir les récupérer, tant à cause du problème de l’engorgement judiciaire que de la mauvaise image que donnerait une possible assistance apportée à des djihadistes.»
À l’heure actuelle, plusieurs acteurs de la société civile, dont la Fédération internationale des droits de l’Homme (FIDH), plaident en faveur de possible rapatriement pour que ces femmes et ces hommes soient jugés en France. Des avocats, dont les clients se trouvent actuellement sur zone, pensent que «tout doit être mis en œuvre pour faciliter leur rapatriement, conformément aux engagements internationaux de la France». Récemment quatre avocats, qui estimaient que leurs clientes subissaient une détention arbitraire, ont déposé plainte afin de pousser l’État à prendre position sur leur sort.
Selon le procureur de la République de Paris, François Molins, 676 Français, dont 295 femmes, se trouveraient encore sur le théâtre irako-syrien.
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