Le Département d’État américain (ministère des Affaires étrangères) a publié son rapport annuel sur les droits de l’homme dans le monde. Droits humains des femmes ou des groupes minoritaires, liberté d’expression, conditions de travail et d’emprisonnement… plusieurs thématiques y sont abordées. Voici neuf points à retenir du rapport sur le Maroc:
Torture: pas systématique mais elle existe
Le département d’Etat américain a ouvert son rapport avec ce chapitre en soulignant qu’aucun meurtre ni disparition n’ont été signalés au cours de cette année. Concernant la torture, le département d’Etat assure qu’elle n’est pas systématique ni méthodique mais des excès ont été signalés et des mesures ont été prises contre les personnes visées: (gendarmes de Kénitra, plus de 20 policiers…). L’ensemble de ses affaires ont été jugées pour usage inapproprié de la force, ajoute la même source.
Le département d’Etat s’est félicité des lois qui réprimandent la torture, qui la sanctionne et protège les citoyens des abus en rappelant que les juges sont sommés d’ouvrir une enquête sur n’importe quelle accusation de torture car le pays prend au sérieux ce sujet.
Prisons: peut mieux faire
Le rapport du Département d’Etat américain sur les droits de l’homme consacre une grande partie aux conditions de détentions dans les prisons marocaines. Il souligne que les conditions carcérales enregistrent une nette amélioration, mais sans atteindre les standards internationaux en la matière. Le ministère de Mike Pompeo annonce que la surpopulation carcérale est due en grande partie aux conditions de mise en liberté provisoire, des arriérés judiciaires et le peu empressement du pouvoir judiciaire de réduire la durée des peines de prison.
Le département d’Etat a rappelé que le Maroc s’est doté de 31 prisons conformes aux standards internationaux contre la fermeture de deux anciennes prisons. Autre point soulevé et salué par la diplomatie américaine: la séparation entre les mineurs et les majeurs dans les prisons ainsi que la séparation entre les différentes tranches d’âge. Ainsi, les moins de 12 ans sont séparés des moins de 15 qui sont séparés à leur tour des moins de 20 ans.
Le département d’État a par ailleurs souligné un moindre accès aux installations de santé et aux possibilités de formation professionnelle pour les femmes détenues, ainsi qu’une discrimination de la part du personnel pénitentiaire, en se référant au rapport du CNDH.
Une liberté d’expression à la marocaine
Le rapport sur la situation des droits de l’homme au monde a évoqué la situation des libertés au royaume. Le département d’Etat rappelle que la constitution marocaine prévoit généralement la liberté d’expression, y compris pour la presse, bien qu’elles incriminent et restreignent certaines libertés d’expression dans la presse et les médias sociaux. Selon le ministère de Pompeo, il s’agit des critiques de l’islam, de l’institution de la monarchie ou des positions du gouvernement en matière d’intégrité territoriale.
Selon le rapport, ces critiques peuvent donner lieu à des poursuites en vertu du Code pénal, assorties de peines allant de l’amende à la peine d’emprisonnement, malgré la liberté d’expression prévue dans le Code de la presse de 2016. La diplomatie américaine regrette la poursuite des journalistes dans le cadre du Code pénal et non pas celui de la presse. Toufiq Bouachrine et Hamid ElMehdaoui étaient les seuls journalistes accrédités emprisonnés pour des actes criminels commis en dehors de leur rôle de journaliste.
Le département d’État a signalé que 28 journalistes avaient fait l’objet d’accusations au cours de l’année en vertu du code de la presse, principalement en raison de plaintes pour diffamation, de publication de fausses informations et d’atteinte à la vie privée et a enregistré l’expulsion de trois journalistes internationaux au cours de l’année faute d’autorisations valables. Selon le rapport, l’autocensure et les restrictions imposées par le gouvernement sur des sujets sensibles sont de sérieux obstacles au développement d’une presse libre, indépendante et d’investigation.
Pour ce qui est des minorités, le département d’Etat rappelle que la loi criminalise les relations sexuelles consenties entre personnes du même sexe, avec une peine maximale de trois ans d’emprisonnement. Cependant, les personnes de la communauté LGBTI restent stigmatisées, mais aucune discrimination fondée sur l’orientation sexuelle ou l’identité de genre en matière d’emploi, de logement, d’accès à l’éducation ou de soins de santé n’a été rapportée.
Les libertés de réunion et d’association ligotées
La loi marocaine prévoit le droit de réunion pacifique et l’Etat a généralement autorisé les manifestations pacifiques autorisées et non autorisées. Selon le Rapport mondial 2018 de Human Rights Watch, la police a autorisé de nombreuses manifestations exigeant une réforme politique et les actions de protestation du gouvernement, mais a souvent dispersé par la force des manifestations pacifiques ou empêché la tenue de manifestations. Côté chiffres, le Maroc a connu en moyenne 20.000 manifestations par an, et la majorité des manifestations se sont déroulées dans le calme.
Le rapport souligne que des ONG se sont plaintes sur la lenteur des autorités à appliquer le processus d’approbation de manière systématique et ont utilisé des retards administratifs et d’autres méthodes pour supprimer ou dissuader les rassemblements pacifiques non désirés. Le ministère de l’Intérieur a demandé aux ONG de s’enregistrer avant d’être reconnues en tant qu’entités juridiques, mais il n’existait aucun registre national complet accessible au public.
Protection des réfugiés: «good job»
Selon le rapport du département d’Etat américain, la loi marocaine prévoit la liberté de circulation, les voyages à l’étranger, l’immigration et le rapatriement. Par contre, le Maroc peut empêcher l’entrée d’individus qui menaceraient la stabilité du pays et cela s’est fait en coopération avec le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) et d’autres organisations humanitaires à la protection et à l’assistance des réfugiés, demandeurs d’asile et autres personnes concernées. Le gouvernement marocain a également fourni des fonds à des organisations humanitaires pour fournir des services sociaux aux migrants, y compris aux réfugiés, souligne la diplomatie américaine.
Concernant les réfugiés, le rapport confirme que les autorités marocaines reconnaissent deux types de statuts: les réfugiés nommés conformément au statut du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) et l’«organisation extraordinaire des personnes en situation irrégulière» dans le cadre du programme de 2016 pour la réglementation en matière d’immigration. Quelque 755 réfugiés sont enregistrés dans le pays. Le rapport confirme également que les réfugiés et les migrants reconnus ont généralement la capacité de travailler et d’avoir accès aux services de santé et d’éducation, y compris à la formation professionnelle financée par le secteur public.
Corruption et transparence: encore trop de flou
Le département d’Etat américain a assuré que la loi marocaine prévoit des sanctions pénales concernant la corruption de fonctionnaires, mais ces mesures ne sont généralement pas appliquées de manière efficace. D’après la diplomatie américaine, les fonctionnaires se livrent à des pratiques de corruption en toute impunité. Des cas de corruption ont été signalés au cours de l’année dans différents départements de l’Etat marocain (juges, policiers, gendarmes, hauts fonctionnaires).
Seul point salué par le département de Mike Pompeo: la déclaration du patrimoine. En effet, la loi exige des juges, des ministres et des parlementaires qu’ils soumettent des déclarations de leur patrimoine à la Haute institution de contrôle, qui est chargée de surveiller et de vérifier le respect des obligations de divulgation. Selon les accusations des ONG militant pour plus de transparence, de nombreux responsables n’ont pas déposé de communication. Il n’existe aucune sanction pénale ou administrative efficace en cas de non-respect, regrettent les Américains.
Discrimination, droits de la femme: peut mieux faire
Le rapport du département d’Etat rappelle que la loi marocaine punit les personnes coupables de viol de cinq à dix ans de prison et de 10 à 20 ans pour les mineurs. Cependant, le rapport pointe du doigt le fait que le viol conjugal n’est pas un crime. De nombreux articles du code pénal relatifs au viol perpétuent l’inégalité de traitement des femmes et n’offrent pas une protection suffisante, développe le rapport.
La constitution marocaine donne aux femmes des droits égaux à ceux des hommes en matière civile, politique, économique, culturelle et environnementale mais les lois favorisent les hommes en matière de propriété et de succession, assure le département d’Etat soulignant «de nombreux problèmes liés à la discrimination à l’égard des femmes, à la fois en raison de l’application insuffisante des droits égaux prévus par les lois et la constitution et de la réduction des droits conférés aux femmes en matière d’héritage».
Les juifs vivent en sécurité et le Maroc n’est pas un pays antisémite
Pour ce qui est de la liberté de culte et des religions, le département d’Etat note que la constitution reconnaît la communauté juive comme faisant partie de la population du pays et garantit à chaque individu la liberté de «pratiquer librement sa religion». Les dirigeants de la communauté estiment la population juive entre 3.000 et 3.500 personnes. «Dans l’ensemble, il semble y avoir peu d’antisémitisme déclaré et les Juifs vivent généralement en sécurité», atteste la diplomatie américaine. Le rapport n’évoque pas les cas des chrétiens et athées marocains dans ce volet.
Droits des travailleurs: un progrès relatif
Le département d’Etat américain souligne que la constitution donne aux travailleurs le droit de former et d’adhérer à des syndicats, de se mettre en grève et de négocier collectivement mais avec certaines restrictions. La plupart des fédérations syndicales sont fortement liées aux partis politiques, mais les syndicats sont généralement libres de toute ingérence du gouvernement, précise-t-on.
Autre point salué par les Américains: la loi interdit aux enfants de moins de 16 ans de travailler comme domestiques et limite strictement le travail des enfants de moins de 18 ans. Seul bémol, les sanctions ne sont pas assez dissuasives.
Coté salaires, chaque Marocain gagne au moins 108 dirhams par jour dans le secteur industrialisé, environ 70 dirhams par jour pour les travailleurs agricoles et de 65 dirhams par jour pour les travailleurs domestiques. «En tenant compte des primes traditionnelles liées aux jours fériés, les travailleurs perçoivent généralement l’équivalent de 13 à 16 mois de salaire par an», souligne le département d’Etat en citant un rapport de la Banque mondiale.
Une semaine de travail maximale de 44 à 48 heures avec un maximum de 10 heures par jour, une prime de travail pour les heures supplémentaires, des congés payés et les congés annuels, ainsi que des conditions minimales de santé et de sécurité, y compris une interdiction du travail de nuit sont aussi des points salués par le département de Mike Pompeo.
L’article 9 choses à retenir du rapport du département d’Etat US sur les droits de l’homme au Maroc
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