France: une première mondiale en matière de greffe respiratoire







Une équipe médicale française a réussi à implanter un organe respiratoire artificiel d’origine biologique à 12 patients souffrant notamment de lésions cancéreuses, une première mondiale, a annoncé dimanche l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP).
Au terme de vingt ans de recherches, le professeur Emmanuel Martinod a mis au point une technique de transplantation qui lui vaut aujourd’hui les honneurs de ses pairs.

Vingt ans. Il aura fallu vingt ans au chirurgien français, Emmanuel Martinod, professeur de chirurgie thoracique à l’hôpital universitaire Avicenne de Bobigny au sein de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (APHP), pour soumettre la trachée, l’un des derniers organes qui résistait encore à la transplantation. «C’est vrai que ça paraît tout simple une trachée, explique au Figaro le Pr Martinod. C’est un tuyau destiné au passage de l’air entre l’extérieur et les poumons. Cela étant dit, on s’aperçoit que le cahier des charges est beaucoup plus compliqué qu’il n’apparaît à première vue.» Ne serait-ce que parce qu’elle doit être à la fois rigide et souple pour suivre les mouvements du cou sans se refermer. Les résultats qu’il publie avec son équipe ce dimanche 20 mai dans l’une des principales revues médicales internationales, le Journal of the American Medical Association(Jama), en simultané à une présentation au congrès annuel de l’American Thoracic Society, montre l’ampleur du chemin parcouru.
Quand Emmanuel Martinod s’est lancé dans ce véritable défi chirugical il y a vingt ans, ils étaient peu nombreux à parier sur le Français. «J’ai eu la chance de pouvoir compter sur le soutien indéfectible du Pr Alain Carpentier (le célèbre chirugien cardiaque, NDLR) avec son laboratoire de recherches bio-chirurgicales, et de l’APHP», expliquait-il il y a quelques jours.

Pendant dix ans, le Pr Martinod et ses collègues ont patiemment mis au point chez l’animal la technique qui leur vaut aujourd’hui tous les honneurs. «Nous avons fait sept publications, explique le chirurgien, mais ça n’était pas facile de convaincre des revues scientifiques que cette piste était prometteuse. Même pour publier nos résultats de recherche, il a fallu se battre!»
Prouesse chirurgicale
Un pas décisif est pourtant franchi il y a sept ans, lorsqu’il publie le cas d’un premier malade de 78 ans traité pour cancer du poumon . La prouesse chirurgicale effectuée permet de conserver une partie du poumon (deux lobes sur trois) en remplaçant la bronche pulmonaire (ôtée avec le lobe pulmonaire malade) par une bioprothèse renforcée grâce à la technique mise au point chez l’animal.
La bioprothèse est formée d’un bout d’aorte, la plus grosse artère de l’organisme, fournie par une biobanque de tissus humains. Un stent (treillis métallique) est placé à l’intérieur de la bronche pour éviter que la bioprothèse ne se referme. La même technique a été appliquée depuis avec succès pour la trachée, comme le montre la publication du Jama. Avantage: pas besoin de prendre de traitement immunosuppresseur (antirejet) à vie puisque la prothèse est biologique et qu’il n’y a pas de problème de compatibilité entre le donneur et le receveur avec du tissu aortique.
L’idée brillante d’Emmanuel Martinod est bien d’avoir choisi de faire confiance au pouvoir d’adaptation et de régénération du corps humain là ou d’autres misaient sur les prothèses artificielles ou les greffes de trachées de donneurs. «Les techniques d’ingénierie tissulaire ex vivo (en dehors du corps) ont finalement été assez décevantes, souligne le Pr Martinod, et aujourd’hui la communauté scientifique est plutôt convertie à l’idée d’utiliser ce magnifique corps humain.» En tout cas, les derniers réticents devront s’incliner devant la publication du Jama. «Trop souvent en chirurgie, on innove mais on rechigne à passer par le filtre de la méthode scientifique», précise-t-il sans prononcer le nom de la star déchue de la trachée bioartificielle, le chirurgien italien Paolo Macchiarini, renvoyé de l’institut Karolinska de Stockholm pour mensonge, falsifications et négligences (voir nos éditions du 24 mars 2016).
Comme l’enseigne la fable de La Fontaine Le Lièvre et la Tortue,«Rien ne sert de courir; il faut partir à point». Pour lancer une véritable étude prospective, l’équipe s’est donc adjoint l’aide du Pr Éric Vicaut, le responsable de la plateforme nationale de recherche (F-Crin, APHP). «L’idée décisive était d’utiliser le corps humain comme un bioréacteur naturel, mais surtout une étude rigoureuse chez l’homme était possible parce que le Pr Martinod avait fait les travaux de recherche fondamentale et animale, indispensables pour ne pas exposer des patients à des risques», explique-t-il.
Des résultats fascinants
Sur une période de six ans et demi, 13 patients sur les 20 inclus dans l’étude ont ainsi pu bénéficier de «l’opération de Martinod», soit au niveau de la trachée (voir infographie) pour cinq d’entre eux, soit pour une bronche pour sept autres, soit pour la carène (la zone où la trachée bifurque en deux bronches), opération plus complexe. Ce dernier, le sixième opéré, est malheureusement décédé dans les 90 jours postopératoires. Pour les autres patients, le stent qui solidifiait le greffon a pu être retiré en moyenne 18 mois après la greffe. «C’est très variable d’un malade à l’autre, cela va de 5 à 39 mois, explique le Pr Martinod. Mais on ne sait pas encore pourquoi du cartilage et de l’épithélium se reforme plus ou moins vite.»
Car c’est là l’un des résultats les plus fascinants de ces greffes: «L’épithélium, la couche cellulaire à la surface de la trachée qui est chargée de protéger celle-ci des bactéries et des polluants extérieurs, se reforme sur la bioprothèse aortique», s’émerveille le chirurgien.
L’autre signe encourageant est de voir se reformer du cartilage, ce qui renforce la structure et permet de retirer le stent pour éviter des complications à long terme. «C’est l’opération du Pr Martinod, mais maintenant c’est ma trachée», témoigne justement l’un des patients, opéré il y a sept ans et qui souffrait d’un rétrécissement sévère de la trachée: «J’avais 33 ans et je ne pouvais plus faire d’efforts ou parler normalement, car j’avais une trachéotomie (gorge percée d’un tuyau permettant de respirer, NDLR)», raconte-t-il. Et aujourd’hui? «Je fais du sport et j’ai juste la cicatrice sur le cou.»
Huit patients opérés ont, comme lui, une nouvelle vie, sans stent ni trachéotomie. Mais plusieurs centaines de patients pourraient être concernés à leur tour chaque année rien qu’en France. «Lorsque d’autres études auront confirmé nos résultats», précise le Pr Martinod. Prudent, toujours. La marque des audacieux.

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