Histoire. Le 11 janvier 1944, de la logique réformatrice à la revendication de l’indépendance







Le 11 janvier 1944, le parti de l’Istiqlal présente au sultan Sidi Mohammed Ben Youssef un document portant comme titre «Ouathiqat Al Istiqlal», le Manifeste de l’Indépendance.
Ce jour férié du mois de janvier tant attendu, et dont beaucoup de jeunes n’en connaissent pas toujours le sens, est pourtant un virage important dans l’histoire du mouvement nationaliste marocain et du royaume. Après avoir exigé des réformes politiques, le parti de l’Istiqlal a franchi le pas et est passé à la revendication de l’indépendance du Maroc pour la première fois. Officiellement, 66 nationalistes dont une femme, Malika Fassi, s’étaient rassemblés en comité afin de remettre la revendication de l’indépendance du Maroc à la puissance coloniale française (voir encadré).
«C’est une date importante car les nationalistes marocains sont passés de la logique réformatrice du Protectorat à la revendication de l’indépendance. Le traité du Protectorat était devenu caduc pour l’ensemble des Marocains», explique l’historien Mustapha Bouaziz. Trente deux ans ans après la signature du traité de Fès le 30 mars 1912, le Maroc était sous tutelle française mais le peuple marocain et ses élites résistaient toutefois sans cheminement fédérateur et dans la plus grande désorganisation.
 
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Avant de le remettre au Résident général, les nationalistes avaient présenté en secret le texte du Manifeste au Sultan Mohammed V. «Ceci confirme le pacte qui liait les nationalistes marocains et le Sultan de manière officielle. Ce manifeste n’est ni le seul document ni la seule alliance entre les deux parties, seulement le 11 janvier a fait ressortir ce lien de l’implicite à l’explicite», souligne l’historien spécialiste du mouvement nationaliste. «Cette date est importante à plusieurs égards. C’est la première fois que les différentes tendances et mouvances, très éparses, du mouvement national se réunissaient autour d’une revendication fédératrice: l’indépendance», ajoute-t-il.
 

 
Et ce n’est pas tout. Cette date constitue une scission et une coupure avec les anciennes méthodes d’action de l’ensemble du mouvement national. «La deuxième génération des nationalistes marocains a grandi lors des années 1920 et avait une vision pacifiste, civilisationnelle de la lutte pour l’indépendance. Elle menait des actions civiques telles que la grève, le boycott, le tract,… Mais face à l’entêtement de la puissance coloniale, ils ont décidé de changer d’attitude et de réclamer l’indépendance», analyse Bouaziz qui assure que ce manifeste «a donné au Sultan plus de liberté de manœuvre et un outil de pression dont Mohammed V fera bon usage, ce qui poussera la résidence générale à l’exiler ensuite».
 
Combien de nationalistes ont signé ?
Plusieurs leaders du mouvement nationaliste marocain ont signé le manifeste de l’indépendance. Initiative lancée par l’aile gauche du parti de l’Istiqlal, la présentation du Manifeste de l’Indépendance a rassemblé l’ensemble du mouvement mais le nombre exact de signataires demeure toujours un mystère et un sujet qui déchaîne les passions des spécialistes.
«Plusieurs noms ont été ajoutés à la liste au lendemain de l’indépendance et par les dirigeants du parti de l’Istiqlal. Ce sont généralement des membres du parti que l’Istiqlal ne voulait pas griller auprès du protectorat ou d’autres “qui ont voulu avoir ce privilège”, mais lors de la présentation du manifeste, il ne comptait que la signature de 38 nationalistes», tranche l’historien.
L’avis de Bouaziz n’est pas partagé par l’historien Charles-André Julien qui parle, lui, de 66 signataires. Dans des versions plus récentes du Manifeste, on découvre les noms de 102 personnes. Ce sujet demeure le seul point de désaccord entre les historiens, qui s’accordent à dire que cette date est la plus importante dans l’histoire du mouvement national et de la lutte pour l’indépendance du pays.
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