Deuxième priorité nationale, le secteur de l’éducation cristallise de nombreux enjeux sociétaux et institutionnels. Élaboré par le ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur, de la formation des cadres et de la recherche scientifique, le programme d’urgence (2009-2012) a pour objectif de «remédier aux défaillances relevées et d’accélérer la réalisation des objectifs de la charte nationale d’éducation et de formation». La Cour des Comptes fait le bilan.
Pour ce faire, la Cour des comptes «a procédé à l’appréciation du processus d’élaboration du programme d’urgence (P.U.), l’analyse de la planification et de la programmation, l’examen de la gestion des moyens mobilisés pour sa mise en œuvre, le système de suivi et de pilotage ainsi que l’évaluation des réalisations par rapport aux objectifs attendus», peut-on lire dans la synthèse du rapport rendu le 12 décembre.
L’institution a pointé du doigt plusieurs échecs dans la réalisation de ce programme. Alors que 43,12 milliards de DH avait été budgétisés pour le P.U., seuls 35, 05 milliards de DH ont été engagés et 25,15 milliards de DH effectivement déboursés, soit un taux de paiement de 58%, «largement inférieur au taux d’exécution des budgets sectoriels constatés au niveau du budget général de l’Etat durant la même période».
Plus étonnant, ces résultats s’inscrivent dans un contexte de revalorisation du budget pour l’éducation nationale consenti par l’Etat de 230% par rapport aux crédits accordés les quatre années précédentes. La Cour des Comptes explique ces faibles performances au niveau de l’engagement et du paiement au regard des «capacités de gestion insuffisantes au cours du cycle de la conception, de la programmation et de la mise en œuvre des projets ainsi qu’au niveau de la gestion financière et comptable».
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Concernant les capacités d’accueil, les effectifs des élèves sont passés de 5 666 429 en 2009 à 6 039 641 en 2017, pendant que le nombre des établissements scolaires a augmenté de 9 397 à 10 756. Une progression en apparence mais qui reste insuffisante puisque sur un objectif de 1 164 établissements scolaires prévus par le P.U., seuls 286 établissements ont vu le jour, soit 24,6%.
Quant à l’objectif de l’extension des établissements existants avec 7 052 nouvelles salles, les réalisations n’ont pas dépassé 4 062 salles, soit 57,6% de l’objectif. En conséquence, le taux d’encombrement des classes n’a pas pu être résorbé totalement, atteignant respectivement pour les cycles primaire, collégial et qualifiant 7,3%, 16,5% et 26,1% en 2008.
La couverture de l’ensemble des communes rurales par des collèges n’a pas non plus été atteinte, passant de 52,8% en 2008-2009 à seulement 66,5% en 2016-2017. Idem pour l’introduction du préscolaire dans les écoles, l’objectif était fixé à 80% en 2012 et la généralisation en 2015. Sur les 7 667 écoles primaires, seulement 24% dispensent l’enseignement préscolaire.
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D’autres chiffres accablants sont parvenus concernant l’exploitation des établissements scolaires en état de dégradation. Malgré les moyens dédiés à la réhabilitation et à l’aménagement des établissements scolaires, le système éducatif continue à exploiter, au titre de l’année scolaire 2016/2017, 6 437 établissements sans réseau d’assainissement, 3 192 établissements non raccordés au réseau d’eau potable et 681 établissements non branchés au réseau d’électricité, ainsi que 9 365 salles délabrées.
Durant la période du P.U., 54 927 enseignants contractuels ont été recrutés, affectés sans formation pédagogique requise aux classes d’enseignement. Cette donnée remet en question la qualité des enseignements dispensés, alors même que l’ensemble des 10 projets du pôle pédagogique n’a pas été mis en œuvre (12 milliards de DH) – parmi eux, la réforme des curricula, la mise en place d’un système d’information et d’orientation efficient, le renforcement de la maîtrise des langues et l’amélioration du dispositif pédagogique.
Des chiffres positifs relatifs à la mise en œuvre des mesures d’appui social destinées aux élèves issus de milieux défavorisés adoucissent le tableau. Pour l’année 2016-2017, on compte alors 1 085 110 bénéficiaires des cantines, 113 632 bénéficiaires de l’hébergement et de la restauration dans les internats, 138 995 bénéficiaires du transport scolaire, 859 975 bénéficiaires de programme Tayssir, 3 835 833 bénéficiaires de fournitures scolaires.
Le taux d’abandon scolaire, de nature multidimensionnelle, a lui aussi nettement diminué entre 2008 et 2012 mais il a de nouveau enregistré une augmentation en 2017 pour dépasser les 279 000 élèves.
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En conclusion, la Cour des Compte «considère que le programme d’urgence n’a pas réalisé tous ses objectifs. Il n’a pas eu, non plus, les impacts souhaités sur le système éducatif, dans la mesure où le ministère concerné n’a pas pris suffisamment en compte certaines règles fondamentales du cycle de toute politique publique lors de la planification, la programmation, l’exécution et la gouvernance».
Elle a mis l’accent sur «l’absence d’un diagnostic précis de l’état des lieux et des préalables nécessaires à la mise en œuvre de tout programme, de l’évaluation des risques et des solutions alternatives. De même, il n’a pas été tenu compte, en particulier des capacités de gestion des différentes parties prenantes impliquées dans la mise en œuvre du programme eu égard à la consistance et à la nature des actions à entreprendre. »
La Cour a regretté également «l’absence d’un système d’information et de pilotage intégré et fiable dédié au P.U. avec des outils adéquats susceptibles de donner une visibilité sur les progrès réalisés et accompagné d’un dispositif d’évaluation approprié».
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