Vidéos. France: une passation de pouvoir expédiée entre Édouard Philippe et Gérard Collomb







Le Conseil des ministres se déroule ce mercredi sans Gérard Collomb. Emmanuel Macron a accepté dans la nuit la démission de son ministre de l’Intérieur et a demandé à son premier ministre d’assurer l’intérim. La passation de pouvoir entre les deux hommes a eu lieu ce matin.

Une passation de pouvoir expédiée qui semblait à la fois improvisée et plutôt tendue entre deux hommes qui ne s’appréciaient plus guère depuis des mois. Édouard Philippe a commencé par faire attendre pendant 20 longues minutes son ministre de l’Intérieur qui, bras croisés, sans ciller, posait patiemment sur le perron du ministère, filmé sur Facebook par les caméras de la place Beauvau.
Puis Gérard Collomb a fini par prendre longuement la parole pour dire «combien il avait aimé son ministère et travaillé avec des agents motivés». Il a défendu son bilan, l’augmentation du budget du ministère – 3,4% contre 0,4 pour le budget de l’Etat – et l’engagement de son action de reconquête républicaine dans les quartiers difficiles. «Quand des quartiers se paupérisent, se ghettoïsent, a-t-il dit, il ne peut y avoir que des difficultés. Je crois vraiment que dans la périphérie parisienne, on ne peut plus continuer à travailler commune par commune. Il faut une vision d’ensemble pour créer de la mixité». Pour lui, «la situation est très dégradée et le terme de reconquête républicaine prend dans ces quartiers tout son sens. Aujourd’hui, c’est plutôt la loi du plus fort qui s’impose, des narcotrafiquants, des islamistes radicaux, qui a pris la place de la République.

Avant de lâcher un terrible: «Aujourd’hui, on vit cote à cote, je crains que demain on puisse vivre face à face».
Gérard Collomb a enfin dit combien il avait apprécié sa mission: «Je quitte avec regret ce ministère ; j’ai profondément aimé les femmes et les hommes qui le composent. Nous sommes ici dans un ministère de l’affectif. Les policiers, les gendarmes, souhaitent pouvoir être aimés, si on veut qu’ils puissent remplir des tâches difficiles, il faut qu’ils sachent».
Un discours plaidoyer
Un discours en forme de bilan plaidoyer tant il semblait conscient que l’éloge du premier ministre serait bref. Il le fut sans conteste. Édouard Philippe, le visage fermé a remercié son ministre «pour les 16 mois de travail passés ensemble». «Le ministère de l’intérieur, a-t-il dit, c’est d’une certaine façon la permanence de l’état, de la puissance qui doit toujours revenir à la loi, de la présence de l’ensemble des forces de sécurité des Français. Pour tout ce que vous avez fait ici, M . le ministre d’État, soyez remercié. Le premier ministre ayant vocation à aller partout sur le territoire national, il pourra arriver qu’il se rende à Lyon. Et il en sera particulièrement heureux.» Après une poignée de main sans chaleur, Édouard Philippe a ensuite traversé la route pour se rendre au Conseil des ministres, laissant un homme seul de 71 ans, qui était le numéro 2 du gouvernement, fidèle de la première heure retourner sur ses terres lyonnaises.

Ce matin, le Conseil des ministres se tient donc sans Gérard Collomb. Dans la nuit de mardi à mercredi, Emmanuel Macron avait fini par accepter la démission révélée, dans un entretien exclusif sur notre site, de son ministre de l’Intérieur. Gérard Collomb, l’un de ses alliés historiques, piaffait d’impatience depuis des semaines de quitter le gouvernement pour se lancer dans la reconquête de la capitale des Gaules qu’il a administrée pendant 16 ans. Le président a demandé à son premier ministre, Édouard Philippe, «d’assurer son intérim dans l’attente de la nomination de son successeur». Dans la foulée, celui-ci a été contraint d’annuler son déplacement en Afrique du Sud prévu jeudi et vendredi, difficilement compatible à l’heure où il va falloir choisir un nouveau ministre de l’Intérieur.
Plus question de perdre du temps. Surpris mardi après-midi en pleine séance des questions au gouvernement à l’Assemblée nationale par cette annonce, Édouard Philippe, après avoir rendu un vibrant hommage à Manuel Valls lui-même démissionnaire, avait répondu qu’il prendrait «les décisions qui s’imposent».
Une colère froide
Les parlementaires ont surtout vu un premier ministre pris de court par la démission de son ministre. Répondant en tout début de séance à une question du député Éric Ciotti, Édouard Philippe avait dans un premier temps assuré que «chaque ministre de son gouvernement était à sa tâche» et que la démission de son ministre relevait «d’une petite polémique».
Manifestement, Édouard Philippe a appris dans l’hémicycle la démission du ministre de l’Intérieur. Ce mercredi matin sur France Inter, Christian Jacob ironisait sur cet épisode inédit: «Le premier ministre n’était pas dans la boucle. On lui lisait les dépêches dans l’hémicycle», a-t-il ironisé évoquant «une crise de l’exécutif». Les proches du chef du gouvernement ont effectivement évoqué «une colère froide» de celui-ci à l’issue des questions au gouvernement.
Interrogé ensuite sur le sujet, Édouard Philippe a dans un second temps souligné qu’«il revient au premier ministre de proposer au président de la République la nomination ou la fin de fonction de ministres. Je prendrai mes responsabilités et j’aurai l’occasion de faire au président les propositions que les dispositions constitutionnelles prévoient et réservent au premier ministre».
Reste que la chaise vide au conseil des ministres ce matin fera désordre. Après la démission de Nicolas Hulot à la fin du mois d’août, elle relance un jeu des chaises musicales au sein du gouvernement qui vient, phénomène peu banal, de subir deux démissions de ministre d’État en un peu plus d’un mois. Elle atteste surtout de la fragilité d’un exécutif en pleine opération reconquête de l’opinion à huit mois des élections européennes. Et, comme les problèmes se succèdent à la vitesse grand V, Édouard Philippe est ce matin épinglé par la cour régionale des comptes sur sa gestion de la ville du Havre entre 2012 et 2017. Les finances de la ville seraient proches d’un seuil d’alerte, notamment dans la progression de l’endettement de la commune.
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