Le ministre britannique du Brexit claque la porte







En désaccord avec le Brexit «adouci» de Theresa May, David Davis, qui négociait la sortie de l’UE avec Bruxelles, a démissionné dimanche soir. Ce départ ouvre une crise politique à haut risque.

C’est une crise majeure pour le gouvernement de Theresa May. Son ministre en charge du Brexit, David Davis, a démissionné en fin de soirée dimanche. Il marque ainsi son désaccord avec le projet de partenariat commercial et douanier avec l’Union européenne que la première ministre a présenté à son cabinet réuni en séminaire, vendredi, dans sa résidence de campagne de Chequers.
À l’issue de cette réunion à haut risque, Theresa May croyait avoir réussi à emporter l’assentiment de l’ensemble de son gouvernement, y compris des sept poids lourds pro-Brexit, dont David Davis, ou Boris Johnson, ministre des Affaires étrangères. Ce dernier a eu beau qualifier le projet de «bouse», il avait bon gré mal gré fini par se ranger derrière elle. Michael Gove, ministre de l’Agriculture et de l’Environnement, autre partisan du Brexit, a décidé de le soutenir, tout en reconnaissant que c’était loin de représenter sa vision idéale.
Mis devant le fait accompli, David Davis avait fait part à la première ministre de son opposition à une proposition qu’il n’avait découverte que la veille. Il lui aura laissé 48 heures pour savourer sa victoire apparente sur les rebelles, avant de faire défection de manière fracassante dans un coup de théâtre. Il devrait emporter dans son sillage l’un de ses secrétaires d’État au ministère de la Sortie de l’UE, Steve Baker, autre grande voix de la campagne pour le Brexit lors du référendum de 2016.
Vote de défiance
La solution présentée par Theresa May prévoit le maintien au sein du marché unique européen pour les biens et produits alimentaires, ainsi qu’un alignement sur les réglementations européennes et un partenariat douanier avec les Vingt-Sept. Pour les Brexiters, il s’agit d’une trahison du vote des Britanniques de juin 2016.
Ce désaveu d’un homme clé du dispositif est lourd de sérieux dangers pour Theresa May. Hors du gouvernement, Davis va pouvoir fédérer le mécontentement des nombreux élus conservateurs hérissés par ce Brexit «qui n’en a que le nom», selon leur porte-voix Jacob Rees-Mogg, proposé par la première ministre, après deux ans de tergiversations. Plusieurs députés tories ont ouvertement annoncé qu’ils cessaient de la soutenir et appelé de leurs vœux un vote de défiance pour la remplacer par un ardent Brexiter.
David Davis a avalé beaucoup de couleuvres. Celle-ci était celle de trop. Parmi les plus modérés des figures pro-Brexit de l’équipe May, ouvert aux compromis, il était censé aller défendre le plan élaboré dans son dos à Downing Street dans les capitales européennes et à Bruxelles dès cette semaine.
Six démissions en huit mois
Il avait agité la menace de la démission à de multiples reprises. La dernière fois, il y a un mois seulement, quand Theresa May semblait prête à rester dans une union douanière avec l’Union européenne indéfiniment. Il avait obtenu une date butoir en 2021. Le ministre était marginalisé dans les négociations avec Bruxelles, contourné par son ancien directeur de cabinet, Oliver Robins, passé à Downing Street sous la houlette de Theresa May et devenu l’interlocuteur privilégié de Michel Barnier, en charge du Brexit à la Commission européenne.
Avec ce départ, c’est tout le fragile équilibre du gouvernement May qui vacille. La démission peut donner des ailes aux autres Brexiters mécontents. Davis se pose depuis des mois en alternative potentielle à la première ministre. «La démission de David Davis à un moment si crucial montre que Theresa May n’a plus d’autorité et est incapable de mener à bien le Brexit», a commenté le chef de l’opposition travailliste Jeremy Corbyn. C’est le sixième ministre de plein exercice à quitter le gouvernement en huit mois.
Ce coup d’éclat met en péril le difficile compromis accouché au forceps vendredi, avant même qu’il soit officiellement soumis aux Européens, ce qui devait être fait jeudi. Theresa May pensait avoir marqué un point avant d’envoyer la balle dans leur camp. Elle va devoir d’abord remettre de l’ordre chez elle, voire démontrer sa capacité à survivre. Avec le sommet majeur de l’Otan cette semaine et l’arrivée de Donald Trump en visite officielle au Royaume-Uni jeudi, le moment est mal choisi pour une crise politique d’envergure.

Par  Florentin Collomp, correspondant du Figaro à Londres.

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