Une femme a déposé une plainte une première fois contre Gérald Darmanin en juin 2017 avant qu’elle ne soit classée sans suite. Le parquet a rouvert l’enquête en janvier et entendu la plaignante jeudi, selon Le Monde. Samedi après-midi, le premier ministre Edouard Philippe a accordé «toute sa confiance» à son ministre.
Serait-ce le début d’ennuis judiciaires pour le ministre de l’Action et des Comptes public? Selon des informations du Monde , confirmée de source judiciaire, la justice a rouvert une enquête préliminaire pour viol contre Gérald Darmanin, après avoir reçu la plainte d’une femme dénommée Sophie Spatz. «La justice est à nouveau saisie et elle doit pouvoir travailler en toute indépendance», a rapidement réagi l’entourage d’Edouard Philippe. «Le premier ministre tient à rappeler d’une part que les règles fixant l’appartenance au gouvernement sont connues et d’autre part que M. Darmanin a toute sa confiance». Pour rappel, Edouard Philippe, en pleine affaire Richard Ferrand, avait annoncé qu’un ministre mis en examen devait quitter le gouvernement.
Les faits remonteraient à 2009. La plaignante, sympathisante de l’UMP et mariée à un ingénieur, s’emploie à l’époque à vouloir nettoyer son casier judiciaire. D’après le quotidien, cette ancienne call-girl de 37 ans ne digère pas une condamnation de 2004 et confirmée en appel pour «chantage, appels malveillants et menace de crime». À la fin des années 1990, elle s’en était prise à son compagnon de l’époque, l’accusant de lui avoir volé de l’argent. Lui, avait porté plainte et elle avait été condamnée.
Opposée au traitement judiciaire qui lui a été réservé, Sophie Spatz a alors contacté de nombreux élus pour faire rouvrir son dossier. Malgré les promesses, rien ne se passe et en mars 2009, elle décide de contacter l’UMP. Elle est reçue par Gérald Darmanin, 26 ans, alors chargé de mission au service des affaires juridiques du parti et conseiller municipal de Tourcoing. L’entretien se passe bien, raconte Le Monde. Le jeune élu serait allé dans son sens et lui aurait promis d’écrire une lettre à la Garde des sceaux, Rachida Dati.
«Je me dis que je suis obligée: demain, j’aurais ma lettre»
À peine le rendez-vous terminé, Gérald Darmanin l’aurait recontacté pour lui proposer un dîner. Elle préfère un café ou un déjeuner. Il insiste, elle accepte car elle «tient à cette lettre». Tous deux se retrouvent au restaurant «Chez Françoise», près de l’Assemblée nationale. Elle raconte la scène au Monde: «On aborde le dossier rapidement. Il me dit qu’il va faire le maximum. Je suis aux anges. À un moment, il s’approche de moi, il met sa main sur la mienne: “Il va falloir m’aider vous aussi.” Tout s’effondre», poursuit-elle. «Je ne suis pas une gamine, j’ai compris tout de suite». Quelques instants plus tard, «je lui dis que je vais rentrer. Mais il me demande de venir avec lui aux Chandelles [un club libertin] car il ne peut pas y entrer seul.»
Sophie Spatz le suit mais se sent prise «en otage». «Je me dis que je suis obligée: demain, j’aurai ma lettre», dit-elle. Il ne se passe rien dans le club en question mais au moment où elle compte partir, celui-ci la convainc de le suivre à l’hôtel. Son avocate, Me Elodie Tuaillon-Hibon, décrit la suite dans la plainte: elle est restée longuement enfermée dans la salle de bains. «Hélas, constatant que l’acte était toujours “au programme”, (…) malgré tous ces détours, elle avait dû finir par s’y plier». Quelques mois plus tard, en novembre 2009, Gérald Darmanin écrit la fameuse lettre tant réclamée à Michèle Alliot-Marie, devenue Garde des sceaux entre-temps. Pas de quoi apaiser Sophie Spatz qui décide de dénoncer les pratiques de l’élu auprès de l’UMP mais ne porte pas plainte.
Plainte pour dénonciation calomnieuse
Ce n’est qu’en mai 2017, lorsque Gérald Darmanin est nommé au gouvernement, qu’elle décide de porter plainte. Son mari, lui, écrit à François Bayrou, alors ministre de la Justice, qui transmet le courrier au procureur. Un mois plus tard, Sophie Spatz dépose plainte pour «viol» contre Gérald Darmanin. Comme c’est le cas dans toutes les affaires d’agression sexuelle et de viol, le procureur ouvre une enquête préliminaire de manière automatique et la confie à la police judiciaire. De son côté, le ministre dépose une plainte pour dénonciation calomnieuse le 17 juin 2017. Les investigations auront toutefois du mal à avancer. «La plaignante n’ayant pas répondu aux convocations des enquêteurs, cette procédure a fait l’objet d’un classement sans suite le 11 juillet 2017», nous confirme le parquet de Paris ce samedi. Motif du classement: absence d’infraction.
Les mois passent et le 15 janvier dernier, Gérald Darmanin – qui n’est plus membre des Républicains – évoque cette affaire sur France Info, sans rentrer dans les détails. «Une enquête a été ouverte par François Molins, il y a eu des investigations. Au bout d’un certain temps, cette enquête ne donnant rien – évidemment, puisque tout cela est faux – elle a été clôturée, pour ‘absence totale d’infraction’», raconte le ministre de l’Action et des Comptes public qui dit en avoir «gardé une blessure». Parallèlement, Sophie Spatz, aujourd’hui âgée de 46 ans, adresse un nouveau courrier au procureur indiquant qu’elle souhaite être entendue. Conséquence, l’enquête est rouverte le 22 janvier et les enquêteurs l’interrogent le 25 janvier, c’est-à-dire jeudi. Selon Le Monde, elle aurait été entendue pendant huit heures.
Un viol «par surprise»
Y a-t-il eu relation sexuelle ce soir-là? Si oui, était-elle consentie? Voici les questions auxquelles les enquêteurs vont devoir répondre. Ensuite, tout l’enjeu sera de savoir si la justice va retenir la qualification de viol. Un élément important puisque si ce n’est pas le cas, les faits seront considérés comme prescrits. Mais pour l’avocate de Sophie Spatz, cela ne fait aucun doute. Me Elodie Tuaillon-Hibon estime que le consentement aurait été acquis «par surprise». En face, les conseils du ministre, Mathias Chichportich et Pierre-Olivier, déclarent au Monde que cette plainte est «une grossière intention de nuire» de la part «d’une personne qui a déjà fait l’objet d’une condamnation pénale pour des faits de chantage». Ces assucations, ajoutent-ils auprès de l’AFP, «ne résistent ni à l’analyse des faits, ni à l’application du droit».
Le viol est puni de quinze ans de réclusion criminelle, selon l’article 222-23 du Code pénal.
L’article France: la justice rouvre une enquête contre un ministre pour «viol»
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